Exposition
Vues de l’exposition « Volumes » qui s’est tenue au Bel Ordinaire à Pau, du 25 avril au 30 juin 2018. Une section de l’exposition, intitulée « Clubs. La journée venait de finir… » et proposée par les étudiant.e.s de l’Énsba Lyon, présentait une sélection de livres publiés par plusieurs clubs français entre 1950 et 1965.
Vue générale de l’exposition « Volumes »
Vues de l’exposition « Clubs. La journée venait de finir… », photographies par Hadrien Tranchant
L’exposition « Clubs. La journée venait de finir… » est proposée dans le cadre de Volumes, exposition collective au Bel Ordinaire espace d’art du 25 avril au 30 juin 2018 dont le commissariat est assuré par maison des éditions Pyrénés. « Clubs. La journée venait de finir… » présente, dans un des espaces de la grande galerie, une sélection de livres Clubs. Par ce terme, on désigne des publications apparues simultanément, au milieu des années 1920, en Europe et aux États-Unis. En Allemagne, par exemple, le premier Club, Bücherguide Gutenberg naît en 1924 après « un congrès des ouvriers typographes allemands qui souhaite offrir un catalogue d’éditions originales ou de nouveautés à un lectorat d’ouvriers : chaque adhérent s’engageait à acheter un nombre minimum d’ouvrages en un temps donné. »
Ce principe de souscription qu’énonce l’historien suisse Francois Vallotton sera également activé par l’éditeur français René Julliard en 1924 avec la société Sequana tandis qu’en 1926, le publicitaire américain Harry Sherman lance le Book-of-the-Month Club. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, une fièvre éditoriale semble particulièrement saisir la France. Le mois d’octobre 1946 voit la naissance du Club Français du Livre fondé par René Lhopital et Stéphane Aubry. En 1948, Louis Guérin et Claude Tchou lancent le Club du livre du mois, en 1952 les éditions Gallimard créent Le Club du Meilleur Livre et en 1953, c’est le galeriste-libraire Bernard Gheerbrant qui rejoint la tendance en fondant le Club des Libraires de France.
Cet engouement pour la vente par souscription témoigne du désir de remettre une formule efficace au goût du jour. Elle raconte également le besoin de lectures et d’une consommation culturelle que la guerre n’a pas totalement étouffé. Émerge ainsi un phénomène, tel que le nomme l’historien Alban Cerisier. Il durera, à son acmé, une dizaine d’années de 1950 à 1965. Ce phénomène des Clubs doit essentiellement son nom à l’éblouissante façon dont les livres sont pensés, maquettés, fabriqués. Des magiciens typographes, Pierre Faucheux, Jacques Daniel, Jacques Darche, Jeanine Fricker, Robert Massin pour nommer les principaux, repensent le livre français. La lecture s’enrichit d’une mise en forme élégante et innovante. Le livre se fait objet et convoque toute une construction typographique et visuelle en faisant une œuvre signée par le maquettiste (c’est une première. Le nom du maquettiste n’apparaissait généralement pas au colophon du livre). Des bords de la bibliophilie au plaisir de donner un corps typo/graphique au livre, les Clubs sont devenus des objets à collectionner. Rien ne vaut la lecture de La Recherche dans la mise en forme par Massin au Club du Meilleur Livre, ou celle du 42e Parallèle de John dos Passos au Club Français du Livre par Pierre Faucheux, alors regarder et lire ces ouvrages augmentés revient à entrer dans les arcanes des designers graphiques, premiers des interprètes d’un texte.
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Ainsi, les Clubs, ouvrages colorés aux compositions innovantes, publications reçues par la Poste (ou achetées chez un libraire-membre), poil-à-gratter des grandes maisons d’édition d’après-guerre, ouvroirs d’inventifs agencements typographiques, ces Clubs donc, viennent dire ici, au Bel Ordinaire, leur part de mystère en racontant une histoire sans début, sans fin, mais toujours prise au milieu de. Cette histoire n’est, en définitive, que le prétexte à relier, relire, redécouvrir un phénomène éditorial dont les acteurs — éditeurs et maquettistes-typographes — ont tous été agents d’une inventive façon de mettre en forme le livre. En retour le livre, devenu Club, se montre ici comme une amorce : La journée venait de finir…
Le scénario de l’exposition, qui tire son intitulé de l’ouvrage L’Or de Blaise Cendrars, suit un protocole simple : tâcher de rendre compte de la richesse des Clubs par leurs contenus même. Chacun des vingt-sept ouvrages, initialement choisi pour leur convocation directe ou indirecte de la forme circulaire a donc été saisi comme matériau de trouvailles. Parce que la journée venait de finir… alors s’est ouvert le domaine de la nuit et des insomnies rêvées d’un collectionneur de Clubs. Chaque ouvrage offre une ligne de dialogue, une description, un événement. Ces derniers, dégagés de leur contexte narratif, rejoignent un récit où Titoeil, Claire et Suter, personnages principaux de cette histoire à dormir debout, se déplacent, meurent, renaissent dans une nuit des fragments littéraires les plus électriques et conducteurs.
Des ephemeras accompagnent l’ensemble de l’exposition, ainsi qu’une publication dans laquelle on retrouve le récit-scénario cut-up tiré des 27 Clubs issus d’une collection privée. La table-ouvroir sur laquelle se disposent les ouvrages et les ephemeras, est comme un plateau où les livres, entre sculptures et images, viennent souffler des bribes d’histoires. Une tapisserie de « points » pénètre, pour le lecteur-visiteur, dans le détail des ouvrages. Ainsi l’œil, terme typographique et photographique, nous laisse-t-il une trace ronde comme le monde.